vendredi 30 octobre 2009

Histoire

Un tournant politique d'une profondeur vertigineuse, en France et au plus large - je n'avais pas compris ça encore.
(Il a fallu, aussi, la quarantaine pour comprendre l'histoire sous mes pieds, l'histoire ici. Comment ça change, où ça se lit, se sent, et se fait).
Mondialisation (, disons comme signal) : nouveaux nouages toujours plus complexes, serrés, on s'y enfonce, du capitalisme avec la démocratie libérale, en saison agressive, crise financière ou pas. La nouveauté agressive se mesure quotidiennement à ce que ça écroule, ce que ça dérobe de sous les pieds ; ce que ça émerge de récifs, obstacles, concentrations d'impossibilité politique inédits. Ce monde qui file entre les doigts, des Trente glorieuses où je suis plantée, et leurs dérivations grises depuis le socialisme de gouvernement. Dilué suffisamment maintenant pour qu'il faille finir de regarder vers là. Et écarquiller pour prendre la physionomie nouvelle, de plein fouet.

lundi 26 octobre 2009

L'élite artiste : excellence en régime démocratique

Nathalie Heinich, dont je situe mieux l'intervention, multiple et touffue. 2005, L'Elite artiste. Avec les arcs-boutants de ses travaux sur l'écrivain, sur les femmes, sur la grandeur, etc. Et des travaux d'autres chercheurs du champ qu'elle trace, sociologie et histoire française, et anglophone.
Très important cette secousse à certains tropes du "Vraisemblable" théorique concernant l'art, et les discours littéraires - à placer à elle est : soit, s'il faut prendre appui sur un repère, l'angle des producteurs, leurs carrières, leurs statuts, en contradistinction d'avec l'angle des oeuvres et de la réception. (Reste à calculer la parallaxe que ça met en place ; à la cogiter. Il y a un espace de question là. Ouvert.)
Le coin enfoncé est avant tout dans le noeud de l'avant-garde : la notion qu'un progressisme critique artistique est naturellement un démocratisme, alors que le milieu s'organise par la singularisation, l'excellence, et les exceptions diverses, jusqu'aux "privilèges". Sollers comme figure exemplaire. Et les processus de l'artification, qui donnent à voir comment le statut de l'art permet une extension sociale plus large à une exception politique dans le tissu démocratique (ou ses prétextes, ses proclamations).
A prolonger, par la question de la culture en démocratie (en remontant par Tocqueville), et en amont vers le statut révolutionné qui pousse depuis l'industrie du créatif et de l'innovation ; dont Boltanski et Chiapello ont souligné des lignes d'ouverture, avec la notion des récupérations ("artification") de "la critique artiste".
Par ici, une dynamique pour continuer à comprendre le tournant culturel, soft, du capitalisme. La "logique culturelle du late capitalism". Jameson y était depuis longtemps - mais autres temps autres termes ; termes déployés. Suivre ces dérivations.
Reprendre pp. 303-316, 330 ff.

Quand ça change : production de l'historicité

Moments d'historicité, révolutions : l'apport, la production, de ces moments étant toujours la dénaturalisation d'un ordre maintenant mis en question.
Une vague de "réformes", même destrucrices - les pans de société française mis en accélération néolibérale, santé, système juridique, système universitaire et scolaire - permet scientifiquement, politiquement, ces découvertes de plages rasées : comment l'ordre rendu ancien tenait, sur quels implicites, sur quels contrats de pratique sociale et non seulement inscrits dans des règles et textes. L'expérience de ces dernières années dans le milieu du savoir, et des Lettres en particulier, des sciences humaines juste un petit peu plus largement, du roi-est-nu. De quel roi donc, et quels soutiens institutionnels, sociologiques, politiques, culturels-historiques. Passionnant, ici.
Une archéologie obligée, et non seulement obligée : possible.
Toute une histoire à refaire, de l'université depuis... - et ça file vers des antécédences vertigineuses, quand les enjeux se maillent, se connectent. L'étape des Idéologues et de l'enseignement normal, de l'Université napoléonienne (qui est la destruction des universités) ; l'après-guerre de 1871, l'époque des savants, du modèle scientifique (Durkheim), l'époque pré-68 des héritiers disséquée par Bourdieu et Passeron, de la "démocratisation" du supérieur, de Bologne. Beaucoup à déplier de ça.

vendredi 23 octobre 2009

Association of Translation & Intercultural Studies

Apparemment : une International Association of Translation and Intercultural Studies ; et
- Translation Studies Abstract
- Bibliography of Translation Studies
consultables depuis St Jerome Publishing.

Le régressif dans les post-

Il faut considérer ça soigneusement, le laisser tourner : que le "postcolonial" est aussi un turning away des anticolonialismes (révolutionnaires, socialistes) ; que les théorisations "des sixties", et le structuralisme même, avant de tourner avec Derrida-Deleuze-Foucault(-Loytard), un turning away des engagements anticoloniaux de paradigme sartrien, philosophiques et historicistes ; phénoménologiques et marxistes.
On le sait largement ; on l'a tellement creusé que c'est une plaine toute ouverte maintenant, et même ennuyeuse. Balisée râtissée par les critiques du postructuralism de la theory, du "postmodernism" - Jameson pour garder le marxiste ; Ahmad pour garder ces philosophies de l'histoire. Et des conversatismes de droite aussi, pour des retours divers.
Mais.
Certainement la remise en tension de anticolonial avec postcolonial reprend des effets. On peut commencer par là pour s'infiltrer dans les fêlures d'étranger des postco anglophones et francophones. C. Forsdick & D. Murphy on marquent les étapes toutes récentes - depuis leur territorialisation en 2003 : Francophone Postcolonial Studies.

mercredi 21 octobre 2009

Ce que fait un roman : C. N. Adichie

Les frayages effectifs d'un objet-projet culturel, roman. Ici Half of a Yellow Sun, C. N. Adichie, sur la guerre Nigéria-Biafra de 1967-1970. Ce qu'il y a de production culturelle dans le fonctionnement narratif et sémantique d'un "personnage", d'un développement de tonalités changeantes, d'une construction narrative ; des logiques sémantiques d'une "histoire". C'est bien à de tels lieux ("lieux de la culture") que s'accrochent des perspectives, des révolutions douces (or yanking, poignant, appalling).
Ce que contribue le personnage d'Ugwu, ce repos narratif sur une zone douce, secondaire, "enfant", et "local", "peuple" - en constrate narratif avec les sophistications des intellectuels, professeurs, entrepreneuse, beautés bourgeoises etc. Régulièrement les chapitres s'ouvrent par sa scène, pour une relance ; pour toucher terre, pour reprendre le point de vue décalé sur le plan bourgeois, facteur d'histoire (et le drame est que l'histoire lui est graduellement arrachée, quand la cause du Biafra s'affaiblit, étape par étape). Il y a un populisme méthodologique, de ça. Qui vient prendre toute sa résonance quand le lieu d'ancrage de la représentation de l'écriture (Richard était le writer, d'abord en difficulté puis en voix de la nation critique), passe à lui, en toute fin d'histoire. (Relais, à peine ébauché, half-hearted : on n'a pas le temps d'explorer les chances de cette écriture, et son nationalisme.)
Les shifts de ton. Comment on passe de vie bourgeoise, éventuellement "révolutionnaire", à réfugié, en passant par traumatisé de guerre et toutes étapes de pertes et dégradations. Comment on voit bouger les termes d'Olanna, d'Odenigbo ; les carrières des uns et des autres placés à des lieux de l'histoire. Il y a bien un examen de ces changements ; examen des implications de l'histoire.
La question non résolue, alors qu'elle s'affiche un peu comme projet romanesque : mettre Ugwu en position de parole, et écrire un roman en anglais, qui rentre dans la circulation des prix littéraires de l'anglophonie. Et vient se caler dans l'histoire délicate (Achebe / Ngugi) de l'écriture nigériane en anglais : au creux de ses tiraillements. De sa postcolonialité.
Au moins on évite l'un des autres archipels d'écueils qui attendent du côté du diasporique. Ici on est dans le problème de la nation et du nationalisme, et ses divisions ; ses situations africaines, maximalement psotcoloniales.

Politique de l'ignorance - Freire, Rancière

Très nécessaire de forcer, d'encourager, la réflexion sur l'université et la politique du savoir par des moyens de décalage aussi puissants que Le Maître ignorant, de Rancière (1987), et The Pedagogy of the Oppressed, Paulo Freire (1970 - quand écrit? publié en portugais? C'est la traduction américaine qui date de 1970. Le contexte est pourtant bien fixé aux révoltes étudiantes et jeunes des environs de 1968).
On y mesure l'immense monde idéologique maintenant submergé, pour commencer. Et la mesure des régressions politiques ; immobilisations historiques au moment même des accélérations agressives. Avec Freire, on a aussi l'agency du problème du développement ; comme décentrement tiers-mondiste et post/néo/colonialiste du point de vue sur le rapport de "domination", d' "oppression". Le développement, remis en question par la philosophie de l'histoire qui va de la Bildung idéaliste (substrat ici) à l' "humanisation" marxiste (explicitée en valeur idéologique et critique de guerre - de libération).
Rancière par le problème toujours vivant et massif qui bouillonne de la Révolution française. La démocratie, simplement. Mais toute.

La production de l'ignorance.
Et les tropes stratégiques de la domination, par "l'invasion culturelle" (; de la libération par la "révolution culturelle" permanente.)
Simplement en faisant travailler au maximum la notion de l'homme historique, et donc "dialogique". Jusque loin dans des effets sociaux et culturels et subjectifs.

vendredi 2 octobre 2009

Metris Report : enjeux de "to understand"

Le "Metris group" développe son énonciation délicate de l'expertise ; avance dans la situation d'énonciation délicate de l'expertise. S'y fait buffet about ; y fait certains coups de speech act ; s'y fait instrumentaliser, de manières complexes. Sous le lissé du discours du consensus - par le trope européen-UE, et par le trope scientifique-positiviste - des tirages, des sous-conversations de différentes provenances et d'agendas hétérogènes.

Le trope prédominant qui sert pour la mise en oeuvre du rapport d'expertise est, récurrent : "to understand", à articuler avec "future research" et "emerging trends" ; avec "for science governance" d'abord et "policy making" ensuite, avec l'Europe - régulièrement confondue avec l'UE ; c'est un lieu premier de démaillage facile à fouiller - comme horizon de question. "How" ; et sous l'orientation de "governance". "Policy" et "governance" étant des termes rendus également valables pour la recherche et pour le politique et la politique européens.

Quelques premiers enjeux à déplier :
. "understand" à penser en distinction de [puisque c'est l'absence de distinction qui contribue à la consensualisation du discours] "instruire", par exemple, au sens de Barbara Cassin. Le "monitoring" et les "emergences, les "trends", à penser en distinction des pratiques philologiques mises à l'épreuve chez B. Cassin. A regarder aussi, d'ailleurs, et c'est l'occasion. "Instruire" une question, une délibération - mais aussi un tribunal. Quelle valeur de l'éventuel juridisme? On peut aller voir.
. "understand" en disctinction de "stand" : le rapport de pouvoir, soumission, curieusement inscrit en toutes lettres. Question des instrumentalisations, et instrumentalismes. Il y a une épistémologie déjà inscrite : et non une ouverture du champ épistémologique ; son champ de questions.
. ce que n'est pas "understand", exactement? Ce que ça limite? La problématisation, sait-on reconnaître rapidement depuis l'intérieur disciplinaire. Soit, sur sa face sociale : le débat démocratique. L'ouverture des problèmes : qui "fait manquer", soigneusement, par efforts créatifs continus, les consensus et les blocages d'histoire ; les "peuples". Historicisation, criticisation, vie démocratique ordinaire. (Les blocages en sont aussi le jeu ordinaire ; jamais un totalitaire de ça.) Dépositiver.
"Understand", en ce sens, est distinct de : "act" (encore l'agency), certainement de "transform", de "discuss" ou "debate"... Quoi encore plus précisément? De l'activité de mesurer les enjeux et mettre en jeu.

Ce qui est réglé d'avance par "understand" et demande à être débouché par une attention dont il faut continument inventer les modes puisqu'il s'agit bien du changement continu (et culturellement maximal nowadays) : le processus même des médiations qui articulent savoir et société.

A lire à la fois la continuation pratique du rapport des sciences sociales à la gouvernementalité de la période technocratique, et son inflexion vers un nouveau régime, de savoir-pouvoir, de science-gouvernementalité, encore à l'état de Frontier. A chercher du côté du late capitalism et sa cultural logic (Jameson) : l'immatériel et ses déterritorisalisations, les culturalisations, "soft power" et "soft sciences", "software" et "learnfare".