lundi 13 décembre 2010

La colonisation "catastrophe culturelle" - Polanyi

Avec Polanyi, prendre par : non (Said) l'imposition culturelle, la force politique des représentations [au risque de culturaliser, soit de faire fonctionner une croyance et non une histoire de la force culturelle], mais par la colonisation comme attaque des systèmes intégrés sociaux, culturels et économiques des sociétés. Désintégrer les systèmes, disloquer les institutions, casser les liens de l'homme, la terre et la production ; séparer l'économique, créer des marchés du travail, du loyer et de l'industrie, et provoquer par là les "catastrophes culturelles" effets de la colonisation.

Mesure du culturalisme des postcolonial studies, de l'orientation imprimée par Said, depuis une position sociale où "culture" est une force de classe. Une force d'énonciation, performante de politique (le discours sur la culture, les accords sociaux scellés dans les discours sur les Lettres et sur la Rhétorique), plutôt que désignant une force historique effective. Il continue à manquer une théorie de la culture donc, on continue à profiter de l'élan de contrats culturels qu'on prend pour naturel alors qu'il est profondément spécifique, historique - si largement qu'on peut s'y laisser prendre. Part non interrogée de culturalisme, on s'y appuie. Restant à travailler, à dégager : les fonctionnements sociaux qui se maillent dans le culturel. Le culturel (l'anthropologique dans ses spécifications historiques, ses variations donc, ses "transformations" si on utilise la "théorie du changement social" de Polanyi même) comme systématicité, organicité (il utilise le terme - voir ses résonances), d'un tout social. Fait social total - Durkheim?, Mauss?

Culturalisme contre économisme : il y a peut-être une histoire du 19ème siècle et ses lectures ultérieures, par exemple pour un présent néolibéral à penser au-delà de l'époque d'écriture de Said, à lire dans ce jeu d'implications, et le déroulement de ses enjeux mondiaux.

Balandier positionne le point d'observation beaucoup plus précisément que Said - et d'ici on peut suivre toutes les conséquences de cette divergence.

samedi 11 décembre 2010

"Société" et sciences de la société

De même enfin, si on continue la ligne, "société".
Karl Polanlyi, La Grande transformation (1944) : co-naissance, en "double mouvement", du libéralisme avec nécessairement le socialisme : il fallait défendre la société (suivre avec Foucault). Par le phénomène menaçant de la paupérisation, émergence de ce fait social, de : "la société", et de tous les schemes pour les améliorations, correctifs, social ingineering. Fait même de l'élargissement de l'Etat comme machine administrative, à façonner les rééquilibrages sociaux ; à compenser les destructions sociales.

Polanyi propose aussi : qu'il y a continuité constitutive de "société" avec "économie", la société s'inventant dans le temps même de l'autonomisation de l'économique : les sciences sociales et les sciences économiques ("économie", "économie politique"), avant les sciences naturelles et les sciences techniques de l'ingénierie, qu'on prend éventuellement pour les sciences de la modernité. A tort.

L'émergence de la société : contemporaine de celle des sciences de la société. Une antécédence particulière ici à marquer aux problèmes de la "société de la connaissance", et "société de l'information".

mercredi 8 décembre 2010

"Science"

De même "science", naturellement. Mais c'est largement travaillé, identifié, articulé, depuis longtemps ça. Un massif de l'histoire - des histoires, avec leurs révisions - de la modernité.

Ce que c'est que le contexte, très particulier, d'une science. Un rapport de socialité très particulier, très rapproché : qui met distinctement sur les dimensions du discursif.

lundi 6 décembre 2010

"Recherche", état de savoir-pouvoir - et "réforme"

La notion de "recherche" elle-même, ce plancher, historique, et précisément historique du fordisme, et de son point d'apex en 1968. Voir ce qui se passe dans la réforme universitaire de 1984, exactement ; how it plays out there.

Reprise, par la semaine de composition pour le colloque Traductions Migrations de Paris 8/T3L, de l'urgence de la question du savoir-pouvoir, les replis de son histoire, la puissance des enjeux qui y sont pliés, dans la variation de ses configurations.

Aussi, avec Karl Polanyi et l'histoire économique : l'expérience désastreuse de Speeckhamland et l'invention de la société. La découverte, faite par Owen (et non perçue par les positivistes, utilitaristes, certainement les humanitariste, mais non plus les producteurs du point de vue de l'économie politique - Bentham Mill, Ricardo Marx), de la société. D'une défense nécessaire de la société, qui apparaît au moment où s'organise l'économie de marché.
La société, comme ingrédient de l'économie de marché. D'où ce continu nécessaire, cette symbiose systématique, du marché et de la société ; de l'économie politique et de la société (ses sciences, ses réformes). D'où la justesse profonde du rapport co-extensif entre économie de la connaissance et société de la connaissance - qu'une critique idéologico-morale ne sait pas atteindre en prenant par le hors-systématique.

D'où aussi les lignes des séminaires de Foucault, poussant vers Il faut défendre la société - la notion même de société étant co-extensive, co-naissante, avec celle de sa défense. La société, c'est l'état de ce qu'on perd d'intégration anthropologique (coutume et droit coutumier, vie des hommes et nature, intégration mutuelle de l'économique et du social). C'est aussi l'objet de la réforme. De la forme politique du volontarisme, ingénierie sociale, qui participe de la nature même de l'Etat après le mercantilisme et ses souverainetés (les Puissances, la guerre) : l'Etat qui tourne au biopolitique (la société, la paix). Foucault dit : passant par l'époque du disciplinaire - est-ce que ça peut s'aboucher à l'époque que pointe l'histoire de Polanyi?, celle des régulations, des restrictions du vagabondage, des taxes et obstacles, résistances et freins au marché par les lois 1600s-1834 : Poor Laws, Statute of Artificers?
La société co-naissante avec l'activité étatique de la réforme. Développement des techniques de l'administration (Polanyi parlait aussi des techniques de l'archive et de l'administration, nécessaire à la conversion des économies intégrées à l'économie de marché) ; activation des savoirs sur la société, pour l'exercice de son administration - où se scupltent les parts du pouvoir.

Et l'Angleterre, matrice de l'ensemble.

dimanche 5 décembre 2010

Savoirs sociaux

Comment les forces du, les contrôleurs du, marché produisent des savoirs sur la société : sculptent les groupes en niches consommatrices, "cibles", comme les classes elles-mêmes. Combien le marketing, et l'entrepreunariat, savent (ou pas, mais produisent des savoirs, et des formations - bien des formations) du social, sa sculpture, sa malléabilité.
Prendre par la Harvard Business Review. (Newfield le fait, ce doit être son idée là).

Et comment le miracle du fait que les sociétés, de marché mais pas elles seules, produisent aussi de la justice, de la vitalisation du social, de la subjectivité, du culturel. Des appuis trans-subjectifs, vitaux.
Prendre par le ras : mais ici les balises sont déjà riches, nombreuses, disponibles ; et aptes à être continuées. Le ras ayant toujours à être retrouvé, refait en "vivisective", en modernité.

Sciences de

Que les situations historiques des savoirs soient culturelles, et donc imbriqués dans des états du rapport social de pouvoir. Que cette intelligence soit le vecteur critique des sciences de la culture mêmes. Ce double tranchant, ordinaire anthropologique. A analyser, par la dimension d'historicité.

Viz : Newfield, Graff, montrent largement par l'histoire américaine (Ivy and Industry, après les gentlemen's colleges dont on retrouve la rémanence historique profonde, réorientée, dans le Harvard montré par Social Network) est très spécifiquement formée par l'évolution des rapports entre les institutions sociales du savoir et les contextes de distribution du pouvoir. Les zones que je comprends le mieux, et qui semblent le mieux renseignées (sans être nécessairement exceptionnelles, soit singulières dans leur processus anthropologique) : Ivy and industry en effet, et l'impressionnante alliance sociale des forces qui ont préparé l'espace de réception de l'université américaine, 1890s, dans le temps de mise en place de l'immense machine productive d'une montée en puissance économique. Et le moment qui débouche sur l'état reconnaissable, que je peux prendre au moment photographique de la Cold culture. Fordiste (cadre de Newfield), lié dans le "complexe militaro-industriel"-universitaire pointé par le discours d'Eisenhower, et intelligible dans un état du politique (époque idéologique : les blocs), de l'économique (époque du fordisme/keynésiannisme), de l'international (lesdits blocs, le Tiers-Monde), du culturel : voir la situation des fondations, et autres institutions de relais de pouvoir par financement, des arts de la culture de l'enseignement et de la recherche.
Des sciences de la Cold culture, indubitablement : la notion de "science" même très imprimée par cet état historique. Un régime de scientisme, également. Les industrialisations massives, les mises en place des alliances recherche/industrie/Pentagon etc. Quelles? A ouvrir large, pour sentir les équilibres, les cohérences. Mais certainement : les area studies, mutation géopolitique des orientalismes européens (voir les histoires de ces institutionnalisations, par J. Assayag et V. Bénéï, L'Homme 2000, A demeure en diaspora) ; les relations internationales, et la géopolitique même - voir. Les psychologies behavioristes (en rapport avec les nouveaux savoirs sociaux passés par la condition de la publicité, du marketing - cf Mad Men) ; les sociologies quantitatives (Lazerfeld? - intelligible comme? Situation dans l'ensemble?). Voir ici les modes du littéraire (New Criticism, le conservatisme sudiste? - ou est-ce ici une autre situation? éventuellement réactionnaire. Dans les hégémonies de savoir-pouvoir, placer aussi les zones de "résistance", dont réactionnaires et critiques, aux deux marginalités). Voir ici aussi une linguistique (fonctionnalisme?), une anthropologie. Des langues.
Point de bascule critique ici : 1968, et ses décomptes depuis 1980 Reagan Thatcher puis 1989 Mur de Berlin.

Autre zone bien renseignée par les défricheurs nombreux (il y a les flux de pouvoir ici aussi, à repérer : les bénéfices hégémoniques des travaux sur, des zones de) des postcolonial studies : la nature biface, "ambivalente", des sciences coloniales, et des orientalismes : les frayages de savoir trans-anthropologiques, doublés de leurs motivations et de leurs effets en complicité au colonialisme. Les sciences coloniales, sciences du colonialisme ; de l'administration coloniale. Sciences de l'Etat colonial. Savoir anthropologique émergé par la pratique coloniale - comme la psychologie sociale produite, et sa demande provoquant l'institutionnalisation de sa discipline, par le marketing fordiste. Savoirs sociaux, nouveautés anthropologiques (Polanyi indexe : la question de savoir penser le changement) produits par les pratiques sociales de pouvoir, elles-mêmes en histoire.
Les collusions du savoir au pouvoir, historiquement variées. Les synergies nécessaires. La valeur double nécessaire, qui n'indique que cette condition anthropologique de la socialisation. Qui l'indique avec férocité. L'analyse anthropologique comme vivisective (Joyce) de pouvoir. Prendre par Foucault mais pas seulement.

Moment des sciences sociales, aussi. Qui ont pas mal fait leur propre sociologie, comme prises nécessairement dans des jeux d'alliance sociale.
Les sciences sociales comme instruments de l'Etat moderne, tournant au biopolitique, à l'administration. A la "défense de la société", Foucault. A la nécessité de produire du savoir sur les populations.
L'angle proposé par Newfield est pénétrant : que l'alliance sociale, le compromis, la balance des intérêts, a pu fonctionner comme un état distributeur de prospérité. Rêve américain, les Glorieuses, etc. Que l'alliance est un invariant anthropologique : qui ne relève pas d'une seule dénonciation, mais d'une analytique historique, et d'une stratégie d'actualité dans les guerres de culture, ou état tensif des partages (Rancière) sociaux. Reprendre par un profil historique du concept de lutte des classes, - stasis grecque par N. Loraux ; hégémonie et subalterne par Gramsci, etc.

Ici, observer les rééquilibrages. Et penser une agency du chercheur, du travail/activité intellectuelle.
Les sciences de la mondialisation. Et le modèle économique, modèle social, modèle de puissance (d'existence matérielle et sociale) de l'activité de savoir. Ses bases sociales.
La question rejoint celle dans laquelle flottent actuellement tant de métiers et d'industries, tant de professions d'activité : modèle économique des biens culturels (la musique après Napster, les poussées du livre numérique, la médiatisation des biens), modèle économique du journalisme et de la critique (après Fox News et CNN, et Internet, en passe de privatisation dans le basculement propriétaire du 2.0 aux applications). Système général de la propriété intellectuelle, et de sa production. Et de l'appropriation des ressources publiques des systèmes nationaux d'enseignement : la transformation, défonctionnarisation, de l'enseignement.
Ces frontières, et ces modernités. Et la fatigue devant l'injonction à l'entreprise...

*
Et puis, viennent couper dans ce travail de désintrications minutieuses, des interruptions grossières (qu'elles ne soient pas dégrossies est leur force-même), qui amènent tout le massif en même temps, toute la prise en masse de l'hégémonie : des attaques dans l'université. Que la question du savoir, son plan d'analyse, soit interrompu par le rocking de ses conditions, ramenant violemment, dans l'urgence, à l'analyse des conditions.